Vox, Christina Dalcher

Jean McClellan est docteure en neurosciences. Elle a passé sa vie dans un laboratoire de recherches, loin des mouvements protestataires qui ont enflammé son pays. Mais, désormais, même si elle le voulait, impossible de s’exprimer : comme toutes les femmes, elle est condamnée à un silence forcé, limitée à un quota de 100 mots par jour. En effet, le nouveau gouvernement en place, constitué d’un groupe fondamentaliste, a décidé d’abattre la figure de la femme moderne. Pourtant, quand le frère du Président fait une attaque, Jean est appelée à la rescousse. La récompense ? La possibilité de s’affranchir – et sa fille avec elle – de son quota de mots. Mais ce qu’elle va découvrir alors qu’elle recouvre la parole pourrait bien la laisser définitivement sans voix…

 

Vox est le genre de livre qui vous marque pour longtemps. L’histoire est simple : les femmes ont un bracelet qui compte leurs mots et elles ne peuvent en prononcer que 100 par jour. Sachant qu’on prononce entre 16 000 et 20 000 mots en moyenne pendant une journée type, le livre parle de la soumission de la femme et à terme, de son effacement total de la société en tant qu’individu qui s’exprime et qui participe à la vie en communauté.

Jean McClellan est professeure en neurosciences et ne supporte pas cette société dans laquelle elle vit. L’installation des compte-mots s’est faite rapidement, en à peine deux ans, sans que personne n’ait rien vu venir. Les mesures ont été prises après qu’un parti puritain ait été élu à la tête du pays, les Purs.

Jean a une petite fille, Sonia, qui ne peut pas parler non plus. Si jamais une femme prononce plus que son quota de 100 mots autorisés, elle est victime d’une décharge électrique. Plus elle dépasse ce quota, plus la décharge est violente.

Raconter avec un point de vue interne est très intelligent car tout ce que Jean ne peut dire à haute voix, elle nous le dit, à nous, lecteurs, qui comprenons aisément ce que cet interdit implique pour elle. Elle ne peut pas dire à ces enfants qu’elle les aime, ne peut pas leur demander comment s’est passée leur journée, etc.

Dans ce monde dystopique, les femmes ne travaillent plus mais les hommes se tuent à la tâche. Les familles vivent avec un seul salaire et sont malheureuses entre ces hommes exténués et ces femmes muettes. Les couples n’arrivent plus à se réconforter et se déchirent dans un silence pesant. Les enfants sont embrigadés par le gouvernement dès l’école qui leur impose des cours de religion intégristes s’ils veulent entrer à l’université. Tout le monde se retrouve coincé en face d’une autorité dictatoriale dont le but est de purifier la société.

Vox est un roman engagé, comme on peut en lire d’autres aujourd’hui, sur la cause féminine. En constatant l’essor de cette littérature, qui met en garde les femmes contre d’éventuelles mesures liberticides, ne pourrait-on pas se demander si notre genre craint quelque chose ? Au-delà de simples livres, ces romans sont révélateurs d’une psychose et d’un mal de société. A l’époque de #MeToo et de la libération de la parole de la femme quant aux violences sexuelles et sexistes, pourquoi a-t-on encore peur que l’on veuille nous faire taire ? Rappelons que, dans le monde, les pays où les femmes sont soumises sont plus nombreux que ceux où elles sont considérées par les hommes comme leurs égales…

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