C’est au fond de la Mer du Nord, enveloppée de brouillard et de mélancolie, lorsque son mari, lord Louis Mountbatten, dernier vice-roi des Indes, jeta son cercueil à la mer, que lady Edwina Mountbatten, trouva enfin la paix et le silence qu’elle n’avait jamais cessé de chercher pendant cinquante-neuf années d’une vie tumultueuse.
Edwina Ashley Mountbatten aura été un personnage hors du commun, de par sa personnalité, ses origines, son milieu, son mariage… et par cette manière extraordinaire de s’être façonné une vie à sa mesure. Filleule du roi d’Angleterre, petite-fille d’Ernest Cassel, l’homme le plus riche du monde, tour à tour jeune femme belle et égoïste, indépendante et généreuse, futile et dévouée, intelligente et courageuse, non conventionnelle et fière de son rang, elle entra dans l’Histoire en devenant vice-reine des Indes, incarnant un véritable personnage de roman, un modèle unique et presque idéal.
Au début, je ne m’attendais pas à lire une biographie classique. Je pensais que l’auteur mettrait Edwina Mountbatten en scène pour nous faire connaitre sa vie. Non non, c’est bien une authentique biographie. J’avoue avoir sauté quelques passages qui ne m’intéressaient pas et avoir lu en diagonale. Bien sûr, tout n’est pas intéressant dans une vie, que ce soit dans les nôtres ou dans celle de la dernière vice-reine des Indes. Toutefois, j’ai découvert une personnalité étonnante, particulièrement indépendante pour son époque. Edwina est mariée à Louis Mountbatten, dit Dicky dans le cadre privé, qui n’est autre que l’oncle du futur Philip d’Edimbourg, actuel époux de la reine Elisabeth II. Notons qu’à la date de son mariage en 1922, on parle encore d’Empire Britannique ! Si Edwina intègre ainsi l’une des familles les plus importantes et influentes du monde, c’est aussi parce que son grand-père est Sir Ernst Cassel, un banquier proche du roi Edouard VII et l’un des hommes les plus fortunés de son temps.
Grâce à des interviews avec des contemporains d’Edwina et un travail d’archiviste, Bertrand Meyer-Stabley parvient à donner une image vraisemblable d’Edwina Mountbatten. Orpheline de mère a dix ans et élevée dans un cercle anglais très codifié, Edwina apprend rapidement à garder ses sentiments pour elle et à être la jeune fille que l’on attend qu’elle soit. Mais quand la jeune fille devient une jeune femme, et même lors de son mariage, elle multiplie les aventures. Son mari et elle, bien qu’ayant beaucoup de tendresse et de respect l’un pour l’autre, sont mal assortis dans la sphère privée et leur vie conjugale n’est pas à l’image de ce que le protocole exige…
Edwina Mountbatten a participé à l’effort de guerre lors de la Seconde Guerre Mondiale auprès de la brigade des infirmiers, mais son nom résonne davantage en écho avec l’indépendance de l’Inde et Jawaharlal Nehru. En effet, en 1947, Lord Mountbatten est nommé vice-roi des Indes afin de planifier l’indépendance de l’Inde et le retrait de l’Empire Britannique. Le couple ne veut pas accepter cette mission et se retrouve comme pris au piège. Lord Mountbatten pense qu’on lui retirera l’offre s’il exige que l’Empire se retire en moins de 18 mois. Mais en face, Georges VI accepte ce délai et les Mountbatten partent quelques semaines plus tard pour l’Asie. Là-bas, Edwina Mountbatten revoie Jawaharlal Nehru, le premier ministre indien, qu’elle avait déjà rencontré un an auparavant et dont elle tombe amoureuse. La relation est passionnée et Louis ne s’y oppose pas par amour pour sa femme. Leur relation, surtout épistolaire, dure plus de dix ans et se ponctue de quelques voyages de Nehru en Angleterre où il est reçu chez les Mountbatten.
Edwina décède en 1960 et confie à son époux les lettres que Nehru lui a écrites, preuve d’une confiance et d’un respect sans faille pour son mari.
Bertrand Meyer-Stabley se soumet au style autobiographique qui consiste à ne rien cacher de la personnalité que l’on cherche à décrire. Je ne peux pas dire que ce livre a toujours été captivant, mais il a été très instructif. J’ai découvert cette inspirante personnalité, pleine et entière, qu’était Edwina Mountbatten, à travers l’œil de ses proches, et qui mériterait que l’on parle plus d’elle.
Pour aller plus loin sur le sujet de l’indépendance de l’Inde :
- Cette Nuit la Liberté, roman de Lapierre et Collins (1975)
- Gandhi, film de Richard Attenboroug, avec Ben Kingsley dans le rôle de Gandhi (1982).
- Le Dernier vice-roi des Indes, film de Gurinder Chadha, avec Hugh Bonneville dans le rôle de Lord Mountbatten et Gillian Anderson dans le rôle d’Edwina (2017).