nicolas mathieu leurs enfants après eux

Les enfants après eux, Nicolas Mathieu – Goncourt 2018

Août 1992. Une vallée perdue quelque part dans l’Est, des hauts-fourneaux qui ne brûlent plus, un lac, un après-midi de canicule. Anthony a quatorze ans, et avec son cousin, pour tuer l’ennui, il décide de voler un canoë et d’aller voir ce qui se passe de l’autre côté, sur la fameuse plage des culs-nus. Au bout, ce sera pour Anthony le premier amour, le premier été, celui qui décide de toute la suite. Ce sera le drame de la vie qui commence.

 

Prix Goncourt – 2018
Prix du deuxième roman Alain Spiess – Le Central – 2018
Prix Blù Jean-Marc Roberts –2018
La Feuille d’or de la ville de Nancy, prix des Médias France Bleu-France 3-L’Est Républicain – 2018

 

J’ai lu ce roman avant qu’il remporte le Goncourt car il est aussi en lice pour le Prix du roman des Etudiants France Culture-Télérama dont je suis juré cette année. Ce roman a de quoi remporter tous les prix !

Leurs enfants après eux est le roman de la France profonde, cette France qui souffre du chômage, qui fume, qui se perd dans la misère et qui survit.

A travers plusieurs adolescents, Nicolas Mathieu décrit les étés 1992, 1994, 1996 et 1998 pour ses jeunes que l’on voit évoluer de leurs 14 ans à leurs 20 ans. On voit les conneries d’ado, la haine des adultes, les rêves de fuite, le rappel à la réalité. Certains parviennent à fuir cette ambiance lourde où ceux qui restent sont condamnés à souffrir.

L’auteur nous parle de la reproduction sociale, ce phénomène théorisé par le sociologue Pierre Bourdieu qui consiste à reproduire le même schéma social que celui de ses parents. Le titre qui m’avait paru d’abord peu évocateur se comprend dès les premières phrases citées au début du roman : « Il en est dont il n’y a plus de souvenir / Ils ont péri comme s’ils n’avaient jamais existé ; / Ils sont devenus comme s’ils n’étaient jamais nés, / Et, de même, leurs enfants après eux. Siracide, 44 , 9. » Je me suis alors demandée si Anthony et Hacine allaient réussir à s’extraire de cette vie qui les gangrène déjà à 14 ans.

J’ai connu les Vosges, ces petits villages où tout se sait, où la moitié des familles vivent de l’industrie locale, où l’on se retrouve au bistrot et où les enfants se jaugent autant qu’ils se jugent entre eux. La description faite par Nicolas Mathieu m’a ramenée en arrière et plus je lisais le roman, plus je me disais « il décrit tout, il analyse tout, il est exhaustif ».

Il nous raconte ces destins brisés avant même que la chenille ne devienne papillon, comme si tout était écrit d’avance et finalement lutter contre son destin ne servait à rien. On est ému par leurs sorts, à tous, tant ils sont touchants et impuissants.

Et puis c’est aussi une ambiance que Mathieu décrit. Il ne raconte que des étés, des étés lourds où la bière rafraichit plus que l’eau, où le sexe devient une occupation comme une autre pour faire passer l’ennui des vacances, où la bagarre et les coups sont des exutoires à cette existence immobile, où les escapades en moto ou les courses à pied sont les seuls moyens pour s’octroyer un semblant de liberté.

Le roman Leurs enfants après eux est plein de vérités, de réflexion. Bien sûr, on s’interroge alors sur notre adolescence, mais aussi sur celles des autres et on a tendance à devenir plus tolérant, cherchant des excuses que l’on trouve (peut-être) enfin à ceux qui n’ont pas réussi.

Nicolas Mathieu nous raconte la vie d’un peuple qui étouffe sans jamais être méchant ou mesquin : ce sont des constats, un état des lieux.

Spoiler

Anthony choisit finalement l’armée. C’est un moyen pour lui de fuir Heillange, d’échapper à cette situation. Sa blessure à l’armée, la révocation de son contrat et son retour m’ont fait beaucoup de peine. C’est un jeune homme qui avait trouvé une façon de rompre cette « malédiction » (d’après les mots de Nicolas Mathieu) et qui se retrouve rattrapé par son destin qui le contraint à vivre la même existence que son père : petit boulot, cannette de bière, latence perpétuelle, sans aucune bulle d’oxygène. Pour Anthony, c’est une fatalité, rien ne le retient à Heillange, pourtant il doit y rester car « c’est ainsi ».

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