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Elles, Alba de Cespedes

Rome, années 1930. La jeune Alessandra grandit dans le modèle féminin imposé par la tradition patriarcale, que véhiculent sa mère – pianiste de talent prisonnière de son mariage – et son austère grand-mère. Lorsque éclate la guerre, elle entame des études et rencontre Francesco, un professeur antifasciste. Pensant trouver un homme capable de voir en elle une égale, elle l’épouse. L’espoir d’Alessandra est immense, et sa déception sera à la mesure de ses attentes.

 

Alors en voyage à Rome, j’ai souhaité trouver un livre grâce auquel je pourrais continuer mon immersion italienne une fois rentrée en France. A côté de l’église de Saint-Louis-Des-Français (où j’ai pu admirer de magnifiques Caravage), j’ai découvert une librairie française, la librairie Stendhal. Après une bonne demie-heure dans la boutique, je suis ressortie avec ce roman, Elles, qui m’a intrigué par son synopsis, son aspect sur-féministe mais aussi par l’oubli dans lequel semblait être tombé l’autrice. Il fallait que je le découvre ! Et une chose est sûre, je n’en ai pas été déçue !

 

Au milieu de l’histoire de la vie d’Alessandra, c’est l’histoire de toutes les femmes de sa vie. Celles qui ont croisé son chemin dans son immeuble du Prati, celles de sa famille dans les Abruzzes et celle de sa mère. C’est l’histoire de l’ombre de son frère dans laquelle elle marche malgré elle, c’est l’histoire d’un père absent et d’une mère talentueuse mais amoureuse d’un autre. C’est l’histoire d’une époque où les jeunes filles devaient faire ce qu’on leur disait au nom de la famille et son honneur. C’est l’histoire, enfin, de son mariage, de ses espoirs, de son tempérament, de sa vision de l’amour, de la guerre qui frappe de plein fouet et de son courage.

 

Publié en 1949 et écrit par une autrice de 38 ans, Elles (en italien Dalla parte di lei soit De son côté à elle) est un roman en avance sur son temps tant dans ses réflexions que sur sa vision des femmes et de la féminité. Le récit est raconté à la première personne, du point de vue d’Alessandra, et ce choix nous permet instantanément de nous sentir proche de la jeune femme et de mieux comprendre les épreuves qu’elle traverse. Alors que son enfance et son adolescence n’ont rien de particulièrement extraordinaire, l’autrice nous plonge dans le Rome des années 30 et nous découvrons le fourmillement des immeubles du quartier du Prati. La journée, une fois les hommes partis au travail, les femmes s’activent entre travail ménager, enfants à gérer et amants à satisfaire. C’est comme une deuxième vie pour elles, comme la libération d’une existence affranchie de maris qui ne peuvent plus les brimer. La volonté d’émancipation de ses femmes est réelle, les raisonnements sur l’indépendance qu’elles pourraient avoir sont justes, mais la réalité de la dépendance financière résonne au plus profond de leurs âmes et les enferme dans une vie qu’elles subissent toutes malgré elles.

 

La première moitié du roman aborde l’enfance et l’adolescence d’Alessandra tandis que la deuxième moitié relate sa rencontre avec Francesco et son mariage avec lui. Francesco étant abordé très tôt dans le roman, je pensais qu’il arriverait plus tôt dans l’histoire, mais je comprends le choix d’avoir fait attendre le lecteur. Il faut véritablement comprendre qui est Alessandra et ce qu’elle a vécu pour comprendre son mariage, ses passions, son acharnement dans le travail et dans l’équilibre financier du foyer. Sa gestion du mariage n’a rien à voir avec celle qu’avaient sa mère ou ses amies, ce qui lui vaut d’ailleurs des remarques de sa belle-mère, admirative qu’elle prenne autant d’initiatives pour soutenir son mari et faire vivre le foyer. 

 

Pour avoir acheté ce roman après un voyage à Rome, j’ai pu continuer à voyager un certain temps pendant sa lecture. Alba de Cespedes nous parle d’endroits emblématiques de Rome, notamment la Villa Borghèse et ses jardins, et le point de vue du Janicule. J’étais heureuse de pouvoir me représenter ces lieux et d’imaginer, non sans peine, l’émotion d’Alessandra car j’y étais passée moi aussi.

 

Alessandra fait partie de ses héroïnes modernes, celles qui se démarquent par leurs idées et par leurs actions. L’accessibilité du récit et les vérités qu’il énonce en font un roman initiatique intéressant à lire en fin de lycée. 

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